La famille des publications du groupe RMN s’agrandit avec la naissance d’une nouvelle revue pour nos confrères du Grand-Duché de Luxembourg: MedinLux. L’occasion de faire connaissance avec le système de santé luxembourgeois et sa médecine générale.
Stéphanie Obertin, MG à Luxembourg, est depuis juin la présidente du CMG, le «cercle des médecins généralistes» du Grand-Duché. Forte d’environ 350 membres, cette association est la seule union professionnelle sur le «marché» au niveau de la médecine générale. Elle défend les intérêts de cette dernière et la représente lors de groupes de travail au ministère de la Santé. Mais que faut-il défendre, au juste? Les explications du Dr Obertin.
Commençons, pour cerner les contours de la pratique de la médecine générale au-delà de Sterpenich, par parler démographie. Y a-t-il pléthore, pénurie ou un nombre adéquat de MG au Grand-Duché? On estime le nombre de généralistes en activité à environ 555, situe Stéphanie Obertin. Dans ce pays qui n’applique pas de régulation aux études, la profession est marquée par un vieillissement, avec un renouvellement insuffisant des effectifs. «Le pic de la pyramide d’âge des généralistes se situe entre 55 et 60 ans. Il y aura une pénurie de médecins, toutes spécialités confondues, dans quelques années. Elle s’inscrit toutefois dans une pénurie européenne des professions de santé.»
Voit-on au Luxembourg de plus en plus de cabinets de groupe ou est-ce la pratique solo qui domine? «La majorité des consœurs et confrères travaillent toujours en individuel, bien que les cabinets de groupe se créent.» D’après le Dr Obertin, les MG luxembourgeois assurent tant des consultations que des visites à domicile, «bien que le nombre de visites diminue». La présidente du CMG considère que la majorité de ses pairs sont informatisés. Quand on lui demande si les autorités poussent à l’informatisation des cabinets via des incitants voire des obligations, elle répond à chaque «exemple belge» qu’on lui soumet (passer à un DMI, prescrire électroniquement, attester électroniquement, publier un sumehr…) que, chez eux, «c’est en cours d’élaboration». Souvent, les MG luxembourgeois se font épauler par un/e assistant/e de cabinet pour gérer le secrétariat, les rendez-vous, les papiers…, indique-t-elle encore.
46,1€ la C, 62,5€ la V
Le Grand-Duché ne pratique pas de concertation médico-mutualiste, avec son mécanisme des conventions auxquelles adhérer ou non. «Au Luxembourg, il n’existe que le conventionnement obligatoire.» Quels sont les tarifs d’application pour les actes courants? «La consultation normale est à 46,10 euros; la visite à domicile à 62,50 euros.»
Retrouve-t-on dans les revenus des MG luxembourgeois, à côté des honoraires des prestations, des rentrées forfaitaires? «Il existe uniquement le concept de ‘médecin référent’ pour les patients présentant une affection de longue durée selon la liste ALD. A ce moment, vous percevez un forfait pour la tenue du dossier, deux fois par an.» Ce forfait est d’une centaine d’euros. Le système du MG référent, ouvert aussi aux pédiatres, n’induit pas pour autant d’échelonnement: le patient peut toujours aller consulter qui bon lui semble.
Combattre l’hospitalo-centrisme
Quelle est la plus grande victoire des MG luxembourgeois ces dernières années au niveau de leurs conditions d’exercice? «C’est l’adaptation des tarifs et la mise en place du médecin référent.» Au contraire, quelle est la plus grande menace qui pèse sur leur avenir? Que revendiquent-ils pour enrayer cette menace? «De garder une place pour les soins primaires dans un système de santé qui est de plus en plus centré sur le milieu hospitalier», répond Stéphanie Obertin. Elle ajoute également une poignée d’autres défis: «prévenir la pénurie des médecins, développer la médecine préventive, développer les cabinets de groupe…»
Les généralistes belges (surtout francophones) ont déploré sous la dernière législature un déficit de dialogue avec la ministre de tutelle. Les contacts, concertations, co-constructions… entre les MG du Grand-Duché et leur ministère de la Santé sont-ils plus nombreux et constructifs? Ou bien les MG luxembourgeois formulent-ils les mêmes doléances? «Le dialogue commence à s’améliorer, on a l’impression d’être plus impliqués dans les décisions qui sont prises. Il existe de nombreux groupes de travail au ministère de la Santé, mais on a l’impression que souvent ils n’aboutissent pas.»
Une garde par mois, en «maison médicale»
Au Grand-Duché, la permanence des soins, les soirs de semaine et les week-ends et jours fériés, est assurés par trois «maisons médicales». Elles sont implantées à Luxembourg-ville, au nord et au sud du territoire, lequel fait 2.600 km2 et abrite +/- 615.000 habitants.
Participer à cette garde est-il obligatoire? «Oui, sauf dérogation. Les confrères sont mobilisés pour environ 1 garde par mois», développe le Dr Obertin.
Les MG qui assurent cette permanence reçoivent-ils, comme en Belgique, le paiement de leurs actes plus un honoraire pour la mobilisation? «Il y a en effet, en plus du paiement à l’acte, un forfait pour la présence. La rémunération est, pour les horaires 20h-24h les jours de semaine, d’environ 200 euros; pour les jours de week-end ou les fériés tranches 8h-16h ou 16h-24h, d’environ 400 euros; et pour les nuits, 24h-7h, d’environ 700 euros.» Pour pouvoir faire les gardes au Luxembourg, il faut être installé au Luxembourg, précise encore la présidente du CMG.
Article publié dans le journal Medi-Sphere #636
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