La chrétienne-démocrate allemande Ursula von der Leyen, une proche de la chancelière Angela Merkel et médecin de formation, a été élue de justesse mardi soir à la présidence de la Commission par le Parlement européen. Première femme à accéder à ce poste, elle y succèdera le 1er novembre au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Désignée début juillet par les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, Mme von der Leyen a obtenu 383 voix contre 327, avec 22 abstentions et un bulletin nul, soit 733 suffrages exprimés, a annoncé le président de l'hémicycle, David Sassoli.
Elle devait recueillir la majorité absolue des 747 députés, soit 374 suffrages, pour l'emporter lors de ce vote à bulletin secret.
La responsable allemande comptait en particulier sur les 443 voix des trois plus grands groupes de l'hémicycle, à savoir les conservateurs du PPE (182 élus), les socialistes du S&D (153 élus) et les libéraux-centristes de Renew Europe (108 élus) pour atteindre ce seuil.
Le résultat, une victoire obtenue pour seulement neuf petites voix, laisse penser qu'elle a essuyé un nombre important de défections au sein de ces trois groupes, qui l'avaient pourtant assurée de leur appui. A titre de comparaison, Jean-Claude Juncker avait rassemblé 422 voix contre 250 en 2014.
«Dans la démocratie, la majorité, c'est la majorité. Il y a deux semaines, je ne l'avais pas encore», a commenté Mme von der Leyen, interrogée sur son résultat moins bon qu'attendu par la presse.
Avant le scrutin, plusieurs délégations nationales au sein du S&D avaient déjà indiqué qu'elles ne soutiendraient pas la candidate allemande.
Les socialistes belges - Marie Arena, Marc Tarabella (tous deux PS) et Kathleen Van Brempt (sp.a) - faisaient partie de ces rebelles. Ils regrettaient entre autres que le Conseil européen ait décidé de faire fi de la règle du «Spitzenkandidat», la tête de liste élue par les partis, pour désigner une candidate non élue, affaiblissant de la sorte la démocratie européenne, a expliqué Mme Arena. D'après elle, le contenu des propositions de Mme von der Leyen aurait également mérité d'être précisé.
Quatrième force politique de l'assemblée avec 74 députés, le groupe des Verts/ALE avait annoncé dès la semaine dernière qu'il ne soutiendrait pas Mme von der Leyen, dont les propositions étaient en deça de ses attentes.
Son co-président, le Belge Philippe Lamberts (Ecolo), a notamment critiqué mardi un manque de respect envers les écologistes et refusé d'être la béquille d'une majorité parlementaire fragile ne les associant pas.
Les groupes d'extrême droite ID (73 parlementaires) et d'extrême gauche GUE (41 élus) avaient eux aussi prévenu qu'ils s'opposeraient - pour des raisons différentes - à la candidate allemande.
Outre les voix émanant des trois grandes familles politiques de l'assemblée, Ursula von der Leyen a vraisemblablement pu compter sur certains suffrages des élus du Mouvement 5 étoiles italien (non inscrits dans un groupe politique), ainsi que de députés du groupe à tendance eurosceptique des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE), dont certains Polonais du PiS.
Les trois eurodéputés de la N-VA, qui siègent dans le CRE, ont préféré s'abstenir après avoir constaté de trop importantes divergences entre leur programme et l'exposé présenté en matinée par Mme von der Leyen.
Lors de ce discours, la médecin de formation de 60 ans née à Ixelles et qui passa son enfance en Belgique, a entre autres promis un "green deal" pour l'UE dès les 100 premiers jours de son mandat.
S'exprimant en français, allemand et anglais, Ursula von der Leyen a également garanti une commission paritaire, un droit d'asile plus uniforme, la reconnaissance du droit d'initiative du Parlement pour des textes de loi - actuellement réservé à la seule Commission - , une convention pour l'avenir de l'Europe, un collège des commissaires paritaire, une fiscalité plus juste ou encore un système de réassurance chômage européen pour aider les pays en crise.
«Je vais devoir et je veux travailler avec le Parlement européen constructivement», a-t-elle affirmé après son élection. «Il y a de grandes tâches à reussir et il y a deux semaines, je n'aurai pas cru arriver si heureuse à ce moment-ci», a-t-elle ajouté.
Mme von der Leyen a encore minimisé le faible soutien qu'elle a obtenu, affirmant que certains groupes qui ont voté contre elle, notamment les Verts, se montraient déjà plus ouverts aujourd'hui qu'il y a deux semaines.
«Je travaillerai avec les partis pro-européens pour dégager une majorité stable», a-t-elle insisté.
Première femme à occuper la tête de l'exécutif de l'UE, elle est également la première Allemande à assumer ce poste depuis 52 ans et la fin de la présidence de Walter Hallstein.
Mercredi, Mme von der Leyen se rendra en Allemagne pour présenter sa démission en tant que ministre de la Défense. Elle entamera ensuite rapidement son travail pour mettre sur pied la future Commission, a-t-elle expliqué.
Peu après son élection, elle a été félicitée par plusieurs personnalités de l'UE, dont le Premier ministre belge en affaires courantes, Charles Michel. Ce dernier, qui prendra la tête du Conseil européen en décembre, s'est dit impatient de travailler avec Ursula von der Leyen dans «l'intérêt de tous les Européens».